Porsche 968 cabriolet rouge

Porsche 968 : la revanche de la mal-aimée ?

Le 03/08/2021

Dans PMA Classic (924/928/944/968)

Affaire du siècle ou gouffre financier, voilà comment pourrait se résumer l’achat d’une Porsche 968 aujourd’hui. Mais ce serait occulter une bonne partie de ce qui fait l’intérêt de ce véhicule : une Porsche hors-normes, un chainon de l’histoire Porsche qui mérite que l’on s’y attarde. Explications

Porsche 968 : une histoire mal démarrée… et mal finie !

Pas question ici de vous refaire l’historique complet de la maison Porsche. Sachez néanmoins, si vous l’ignorez, que lorsque Porsche présente sa 968 fin 1991, la marque traverse la pire crise de son existence. Crise économique pour le principal marché du constructeur (les Etats-Unis), problèmes de fiabilité et coût d’entretien élevé pour la 964 qui peine à faire oublier la 911 Carrera 3.2, 944 en fin de vie, 928 trop gourmande et trop chère, bref, ce n’est pas le moment d’investir trop lourdement dans une nouvelle voiture. Le projet 944 S3 se transformera finalement, sous le poids des têtes pensantes du marketing, en 968 selon un savant calcul : 924 + 944 = 968, soit l’aboutissement d’une lignée de PMA commencée dans les années 1970. Le nouveau chef designer maison, Harm Lagaay, de retour à Stuttgart après avoir signé le dessin de la Porsche 924 dans ses jeunes années tente de faire des miracles. Et il ne s’en sort pas mal ! Les faces avant et arrière sont totalement remises au goût du jour. Elles intègrent de nouveaux boucliers en polyuréthane qui signent l’identité Porsche de l’époque et qui font disparaitre les pare-chocs vieillissant de la 944. Les phares ronds, escamotables mais visibles en toutes circonstances, rappellent la 928, tout comme l’arrière aux feux rouges affleurant. Le profil, à l’exception des rétroviseurs, des jantes, des poignées de portes et des bas de caisses est identique à celui de son prédécesseur. Le mélange des époques n’est pas toujours heureux suivant les angles de vue, mais ironie du sort, il vieillit particulièrement bien. L’intérieur aussi vieillit bien. Il faut dire qu’il reprend celui de la 944 S2 à l’exception des airbags de série, de contre-portes mieux finies et… d’une horloge analogique sur la console centrale. Côté mécanique, l’excellent et atypique 4 cylindres 3 l est repris à la 944 S2 mais il se dote d’une distribution variable. Au final, 240 ch au lieu de 211 et un appétit pour les hauts régimes amélioré. La boîte de vitesses se dote d’un 6ème rapport, plutôt rare pour l’époque. Évolution plutôt que révolution donc, une recette qui a plutôt bien marché pour Porsche jusqu’à présent, mais qui avouera ses limites avec cette 968. Fabrication à l’ancienne entrainant des coûts de fabrication exorbitants par rapport à la nouvelle concurrence japonaise (Nissan 300 ZX, Mitsubishi 3000 GT, Mazda RX-7…), la 968 a du mal à justifier son prix de vente. Pire, le coup final est apporté par une voisine bavaroise : la BMW M3 E36, pour la première fois dotée d’un 6 cylindres en ligne de 286 ch. Plus performante qu’une Porsche 964, elle est moins chère, plus polyvalente et plus noble mécaniquement qu’une Porsche 968 ! Le couperet tombe. La production de la 968 est arrêtée en 1995, soit seulement 4 millésimes d’existence et 12 776 exemplaires produits, coupé et cabriolets confondus. Un bide commercial donc.

Porsche 968 cs jaune avant

Porsche 968 : la traversée du désert avant le retour en grâce

Coût d’entretien digne de la marque et cote en chute libre n’ont pas fait du bien à la Porsche 968 dès la fin des années 90… et pendant les près de 20 ans qui ont suivi. Sacré paradoxe quand on sait que c’est une voiture unanimement appréciée par les spécialistes, les pilotes et tous les amateurs de voitures de sport. Châssis rigide et parfaitement équilibré en raison d’une répartition des masses idéales (merci le système Transaxle qui repousse la boîte de vitesses sur le pont arrière), fiabilité, confort et polyvalence dignes de la marque (4 places ou plutôt 2+2 et vrai coffre à bagages), moteur particulièrement coupleux et souple, solide, performant et encore accessible à un bon mécanicien, boîte de vitesses qui donne envie de jouer avec et équipements de sécurité qui laissent penser que l’on ne finira pas au cimetière en cas d’enthousiasme immodéré, la 968 coche toutes les cases de la youngtimer idéale. Ajoutez à cela un blason prestigieux et une diffusion limitée, on frise le Graal… si on en trouve une qui a réussi à traverser le désert dans de bonnes conditions ! Car même les rares 968 CS, plus chères et plus sportives, ont souvent souffert d’un usage un peu trop sportif justement. Ainsi, trois cas s’offrent à vous : 
•    Vous tombez sur l’exemplaire d’un passionné. Il la connait sur le bout des ongles, l’a rigoureusement entretenue et possède toutes ses factures depuis l’achat, son carnet d’entretien est un précieux sésame qu’il conserve religieusement dans un coffre. Elle dort bien sûr dans un garage fermé sous une housse et il ne la sort qu’avec parcimonie. Foncez. Car il ne la vendra que s’il n’a pas le choix (divorce, études des enfants, faillite, licenciement ou autres joyeusetés…) et vous la fera payer cher (jusqu’à 47 000 € pour une 968 CS en parfait état avec l’équipement correspondant, 38 000 € pour une 968 Cabriolet et 31 000 € pour un Coupé). C’est le prix de l’exclusivité (succès assuré dans les rassemblements Porsche) et de la tranquillité
•    Vous tombez sur un exemplaire abandonné et là, il vaut mieux savoir ce qui vous attend. Les pièces spécifiques sont chères (carrosserie notamment), certaines interventions nécessitent des connaissances spécifiques (Transaxle, arbres d’équilibrage, Variocam…) et le matériel qui va avec. Bref, soit vous êtes garagiste dans l’âme ou garagiste tout court et le défi vous motive, soit vous êtes un vrai passionné du modèle et vous êtes prêt à dépenser au final sans doute plus qu’en achetant un modèle en parfait état
•    Dernier cas de figure, vous tombez sur un exemplaire entre les deux. Jamais délaissée mais jamais totalement soignée, son carnet aura bien quelques trous et le vendeur vous la laissera tout simplement parce qu’il n’a pas le temps (ou les moyens) de finir le travail lui-même. Au final, c’est peut-être le meilleur choix, à condition de savoir exactement ce que vous achetez et ce qu’il vous en coûtera pour en faire un modèle parfait. A moins que ses petits défauts liés à l’âge fassent partie du charme que vous lui trouvez… A vous de voir !

Porsche 968 bleue avant pub

Posséder un bout de l’histoire Porsche c’est déjà bien. Quand c’est une voiture atypique et rare à un prix que l’on peut qualifier de raisonnable, c’est encore mieux ! Certains diront qu’on a pour le même prix un Boxster plus performant et plus moderne, peut-être plus beau aussi. C’est vrai. Mais combien de Boxster croisez-vous chaque jour ? Je vous laisse réfléchir !
Retrouvez le guide d’achat de la Porsche 968 dans le n°350 de Flat 6 Magazine (avril 2020), ainsi que l’essai de la 968 CS dans le n°361 (avril 2021) disponibles à la commande sur le site flat6mag.com

Porsche 968 eclate

Texte rédigé par Fabien Caron